C’est l’histoire de Monsieur X qui souhaite faire figurer sur son état civil la mention « sexe neutre » au lieu de « sexe masculin ».
Lors du développement fœtal, la différenciation sexuelle qui s’effectue normalement à partir de la 8 ème semaine n’a pas abouti chez Monsieur X, de sorte qu’il présentait dès la naissance une trajectoire atypique du développement sexuel chromosomique, gonadique et anatomique et que les marqueurs de la différenciation sexuelle n’étaient pas tous clairement masculins ou féminins.
Il se lance alors dans un combat juridique contre l’Etat Français.
Le Tribunal de Grande Instance de Tours se prononce le 20 aout 2015.
En premier lieu, le Tribunal reconnait que « le sexe qui a été assigné [au requérant] à sa naissance apparaît comme une pure fiction, qui lui aura été imposée pendant toute son existence sans que jamais il n’ait pu exprimer son sentiment profond, ce qui contrevient aux dispositions de l’article 8, alinéa 1er, de la Convention Européenne des Droits de l’Homme » et ordonne la modification sur l’Etat Civil.
Toutefois, la Cour juge que la personne est « en contradiction avec son apparence physique (de garçon) et son comportement social (marié avec une épouse ayant tous deux adopté un enfant) » et déboute Monsieur X de sa demande de modification d’état civil.
La Cour de cassation rejette, le 4 mai 2017, le pourvoi dont elle a été saisie aux motifs que « loi française ne permet pas de faire figurer, dans les actes de l’état civil, l’indication d’un sexe autre que masculin ou féminin » (Civ. 1re, 4 mai 2017, n° 16-17.189)
La Cour de cassation estime que la binarité des sexes « poursuit un but légitime en ce qu’elle est nécessaire à l’organisation sociale et juridique, dont elle constitue un élément fondateur ». Enfin elle enfonce le clou en indiquant que la Cour d’appel qui avait constaté que Monsieur X avait l’apparence et le comportement social d’une personne de sexe masculin « à pu en déduire (…) que l’atteinte au droit au respect de sa vie privée n’était pas disproportionnée au regard du but légitime poursuivi ».
Elle relève également que tant biologiquement que psychologiquement l’identité de Monsieur X est en contradiction avec son identité juridique.
Toutefois la Cour relève que l’Etat Français se doit « de garantir aux personnes relevant de [sa] juridiction le respect effectif de leur vie privée plutôt que sous l’angle de [son] obligation de ne pas s’ingérer dans l’exercice de ce droit » Dit autrement : il convient d’apprécier si l’Etat a ménagé un juste équilibre entre l’intérêt général et celui de l’individu.
La Cour européenne reprend alors une partie du raisonnement de la Cour de cassation selon lequel la binarité des sexes est nécessaire à l’organisation sociale et juridique de l’Etat Français mais rejette l’idée de faire primer l’apparence physique ou sociale sur la réalité biologique intersexuelle de Monsieur X.
L’identité ne se réduit pas à l’apparence.
Toutefois, la Cour européenne comprend que les juges judiciaires français en ordonnant la rectification sur l’état civil français aurait créé une nouvelle catégorie sexuelle ; Ce qui n’est pas du pouvoir de la justice mais bien du pouvoir du législateur.
La Cour européenne décide donc le 31.01.2023 (n° 76888/17), in fine, que c’est à l’Etat « de déterminer à quel rythme et jusqu’à quel point il convient de répondre aux demandes des personnes intersexuées, tel que le requérant, en matière d’état civil, en tenant dûment compte de la difficile situation dans laquelle elles se trouvent au regard du droit au respect de la vie privée en particulier du fait de l’inadéquation entre le cadre juridique et leur réalité biologique ».
Par six voix contre une, La Cour européenne conclut que la France n’a pas méconnu son obligation de garantir le droit au respect de la vie privée, protégée par l’article 8 de la Convention.
Après 8 ans de procédure judiciaire, Monsieur X n’a donc pas eu gain de cause.
Aujourd’hui, seuls 6 états sur 37 reconnaissent un autre marqueur de genre que « masculin » ou féminin ».
Me Richard PATOU PARVEDY