La loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte, dite « Loi Waserman », impacte toutes les entreprises, notamment en modifiant depuis le 1er septembre 2022 les obligations d’affichage de l’employeur (I) et les mentions obligatoires du règlement intérieur pour les entreprises qui en dispose (II) mais également en créant pour les entreprises de plus de 50 salariés l’obligation de mettre en place une procédure interne de recueil et de traitement des signalements après consultation du CSE (III).
Pour rappel, depuis le 1er janvier 2020, le seuil d’effectif à partir duquel la rédaction d’un règlement intérieur est obligatoire dans l’entreprise a été porté de 20 à 50 salariés. Ce seuil de 50 salariés s’apprécie sur 12 mois consécutifs à compter de la date à laquelle le seuil de 50 salariés a été atteint. Les entreprises de plus de 20 salariés qui étaient soumises à l’élaboration d’un règlement intérieur avant le 1er janvier 2020 y restent soumises, la loi n’ayant pas d’effet rétroactif.
Les entreprises de moins de 50 salariés – ainsi que celles qui comptaient moins de 20 salariés avant le 1er janvier 2020 – peuvent choisir d’établir un règlement intérieur. Dans ce cas, celui-ci doit être conforme aux textes applicables.
Quant aux panneaux d’affichage, ils sont obligatoires dans toutes les entreprises. Les informations dont l’affichage est obligatoire différent toutefois selon le nombre de salariés de l’entreprise.
I – L’impact de la loi sur l’affichage obligatoire
L’affichage obligatoire doit être mis à jour des nouvelles dispositions concernant le harcèlement moral et sexuel, notamment concernant les articles L. 1152-2, L. 1153-2 et L 1153-4 du Code du travail modifiés par la loi. Les dispositions de ces textes ont en effet été modifiées pour renforcer la protection des lanceurs d’alerte contre le harcèlement.
Dans le cadre de la prévention du harcèlement, il sera rappelé que l’employeur doit, conformément aux dispositions des articles L. 1153-5 du Code du travail et D 1151-1 du même code créé par le Décret n° 2019-15 du 8 janvier 2019, porter à la connaissance de ses salariés les cordonnées, et notamment l’adresse et le numéro de téléphone :
- du médecin du travail (ou service de santé au travail compétent pour l’établissement)
- de l’inspection du travail
- du défenseur des droits
- du référent désigné dans les entreprises d’au moins 250 salariés chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes
- du référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes désigné par le CSE parmi ses membres s’il existe un CSE.
Il sera également rappelé que ces informations doivent être portées à la connaissance des salariés par tous moyens « dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l’embauche » (Article L. 11153-5 du Code du travail).
L’employeur devra également, conformément aux dispositions de l’article L. 1142-6 du Code du travail, actualiser son affichage obligatoire concernant la prohibition des discriminations et le rappel des dispositions de l’article 225-1 du Code pénal. Cet article a en effet été modifié par la Loi Waserman pour intégrer l’interdiction de prendre une mesure discriminatoire à l’encontre d’un salarié en raison de sa « qualité de lanceur d’alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d’alerte ».
Enfin, l’employeur qui emploie plus de 50 salariés doit porter à la connaissance de ses salariés par tout moyen, et notamment par voie d’affichage, la procédure de signalement interne des alertes (Cf. Ci-après III).
L’affichage dans l’entreprise est un des moyens de diffusion assurant la publicité suffisante imposée par différents textes du Code du travail. Mais cette diffusion peut également être opérée par voie de remise de documents en mains propres, de notification par mail ou de publication sur le site internet de l’entreprise, dans des conditions permettant de justifier de la parfaite réception de l’information par son destinataire et permettant de rendre cette information accessible de manière permanente aux personnes susceptibles de l’utiliser. Ainsi, la mise à jour des autres supports de diffusion de ces informations devra également, le cas échant, être opérée, si l’entreprise diffuse ces informations par voie de remise de documents en mains propres ou via son site internet, notamment.
II – L’impact de la loi Waserman sur le règlement intérieur
Deux modifications essentielles résultent de la loi du 21 mars 2022 concernant le règlement intérieur ; le règlement intérieur doit dorénavant, conformément aux dispositions de l’article L. 1321-2 du Code du travail :
-
- intégrer un rappel concernant l’existence du dispositif de protection des lanceurs d’alerte mis en place par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, telle que modifiée par la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte et précisée par le Décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022 relatif aux procédures de recueil et de traitement des signalements émis par les lanceurs d’alerte et fixant la liste des autorités externes instituées par la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte ;
- être mis à jour concernant les dispositions relatives au harcèlement moral et sexuel qui ont été élargies pour renforcer la protection de ces lanceurs d’alerte (Article 7 de la loi du 21 mars 2022).
Concrètement, quelles sont les modifications à opérer au sein du règlement intérieur ?
Concernant la protection des lanceurs d’alerte
L’Article L. 1321-2 du Code du travail dispose dans sa version issue de la loi du 21 mars 2022 que
« Le règlement intérieur rappelle :
- Les dispositions relatives aux droits de la défense des salariés définis aux articles L. 1332-1 à L. 1332-3 ou par la convention collective applicable ;
- Les dispositions relatives aux harcèlements moral et sexuel et aux agissements sexistes prévues par le présent code ;
- L’existence du dispositif de protection des lanceurs d’alerte prévu au chapitre II de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ».
A défaut de précisions, il semble qu’un simple renvoi, dans le règlement intérieur, au texte de la loi du 9 décembre 2016, telle que modifiée par la loi du 21 mars 2022, soit suffisant. Le texte n’impose en effet pas de développer, au sein du règlement intérieur, le contenu du dispositif de protection.
Ainsi, il est préconisé d’insérer au sein du règlement intérieur un article intitulé, par exemple, « Protection des lanceurs d’alerte » et dont le contenu pourrait être le suivant :
« Les lanceurs d’alerte bénéficient du dispositif de protection prévu au chapitre II de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, telle que modifiée par la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte ».
Concernant le harcèlement moral et sexuel
La numérotation et le contenu des articles L. 1151-1 et suivants du Code du travail relatifs au harcèlement ont été modifiés. Le règlement intérieur doit être mis à jour pour intégrer ces modifications, qu’il s’agisse des numéros des articles cités par le règlement intérieur ou de la reproduction de leur contenu.
Quelle procédure doit être suivie pour modifier le règlement intérieur ?
Conformément aux dispositions des articles L. 1321-4 et L. 1321-6 du Code du travail, la procédure de modification du règlement intérieur est identique à la procédure imposée lors de sa mise en place initiale, à savoir :
- rédaction du règlement intérieur avec indication de sa date de son entrée en vigueur, date qui doit être postérieure d’au moins un mois à l’accomplissement des formalités de dépôt et de publicité
- recueil de l’avis consultatif du CSE
- dépôt en double exemplaire auprès des services de l’inspection du travail
- dépôt en double exemplaire auprès du Conseil de Prud’hommes
- porté à connaissance, par tout moyen (affichage, site internet, etc.), des personnes ayant accès aux lieux de travail ou aux locaux où se fait l’embauche.
Lorsqu’il n’existe pas de CSE au sein de l’entreprise, l’employeur peut modifier unilatéralement le contenu du règlement intérieur pour y intégrer les modifications évoquées ci-dessus.
Quelles sanctions sont encourues à défaut de mise à jour valable du règlement intérieur ?
La loi ne prévoit pas de sanctions en l’absence de mise à jour du règlement intérieur, et notamment pas de sanction pénale. C’est donc essentiellement à l’occasion d’un contentieux du travail que les carences du règlement intérieur concernant la protection des lanceurs d’alerte et/ou le harcèlement pourraient être invoquées par un salarié estimant que cette carence a contribué à son préjudice.
Pour ce qui concerne la procédure à respecter lorsque la mise à jour est effectuée, il sera rappelé que :
- l’avis du CSE n’étant requis qu’à titre facultatif, le refus du CSE d’approuver les modifications opérées n’entraine pas leur nullité ; par contre, l’absence de consultation par l’employeur du CSE pour recueillir cet avis est pour sa part sanctionné par la nullité des modifications opérées, sans préjudice des sanctions pénales applicables, notamment au titre du délit d’entrave ;
- pour ce qui concerne les formalités de dépôt et de publicité, la sanction est celle de l’inopposabilité du règlement intérieur modifié aux salariés.
III – La procédure interne de recueil et de traitement des signalements obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés
La Loi du 1er mars 2022 a très sensiblement élargi le champ de la protection des lanceurs d’alerte et ce, de différentes façons.
Ainsi, le lanceur d’alerte est désormais défini comme « une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement ».
Dans le cadre de ses activités professionnelles, le salarié lanceur d’alerte ne doit donc plus avoir nécessairement une connaissance personnelle des faits dénoncés mais pourra signaler tout fait illicite qui lui aura été rapporté.
La protection du lanceur d’alerte est également élargie aux personnes qui auront pu l’aider dans sa démarche de signalement, qualifiées de « facilitateurs ».
Mais c’est tout spécialement la procédure de signalement elle-même qui a été assouplie et élargie par la loi au bénéfice des lanceurs d’alerte. Ainsi, le Décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022 relatif aux procédures de recueil et de traitement des signalements émis par les lanceurs d’alerte et fixant la liste des autorités externes instituées par la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte fixe les nouvelles modalités d’établissement de la procédure interne de recueil et de traitement des signalements que doit établir toute entreprise d’au moins 50 salariés ainsi que les modalités de la procédure externe.
Les obligations de l’employeur, notamment concernant la mise en place d’un canal de réception des signalements, les modalités techniques de recueil de ces signalements et la procédure de gestion de ces signalements, sont prévues aux articles 4 et suivants du Décret.
Cette procédure d’alerte, une fois établie, doit être préalablement soumise à l’avis consultatif du CSE.
Les textes, qu’il s’agisse de la loi du 21 mars 2022 ou du Décret du 3 octobre 2022, ne prévoient pas de sanction spécifique pour l’employeur qui n’aurait pas établi de procédure interne de signalement.
C’est donc de nouveau à l’occasion d’un contentieux du travail que ce manquement pourrait être relevé, notamment par un salarié estimant que cette carence a contribué à accroitre son préjudice. Cette carence pourrait également avoir pour effet d’inciter le lanceur d’alerte, à défaut de procédure interne à l’entreprise, à utiliser des canaux externes, augmentant ainsi pour l’entreprise le risque d’une atteinte importante à son image.