Le Mariage : bonne ou mauvaise idée ?
– L’avis de l’Avocat en droit de la famille –
Mais malgré le risque de divorce, le mariage a toujours du succès. Que ce soit pour réaliser un rêve de princesse, pour le statut social, par conviction religieuse, ou juste pour faire la fête, se marier demeure néanmoins un choix qui se justifie aussi juridiquement, du fait de la protection qu’il procure aux époux, protection que le PACS ne garantit pas autant.
1 – Un contrat pas comme les autres
Le mariage met en jeu des intérêts personnels très importants, comme la liberté (lutte contre les mariages forcés), la nationalité (lutte contre les mariages blancs), le droit de propriété (droit de disposer de son patrimoine) de sorte qu’il n’est pas un contrat banal comme la vente ou la location.
Comme pour tous les autres contrats, les conditions de validité sont posées par la Loi (articles 143 à 164 du Code civil : âge minimum, consentement, ne pas être déjà marié, pas de mariage incestueux, formalités…).
Mais, la Loi va plus loin que dans d’autres types de contrats puisqu’elle précise aussi les obligations qui pèsent sur chaque époux (articles 203 et 212 à 215 du Code civil : obligation alimentaire vis-à-vis de leurs enfants ; respect, fidélité, secours, assistance).
Et comme le mariage est un contrat atypique, la Loi précise aussi les pouvoirs des époux. En effet, un couple marié, est comme une petite entreprise : des recettes (salaires), des charges (loyers, emprunts à rembourser…), des décisions à prendre d’acheter ou vendre, de s’endetter. Mais qui dirige ? Qui décide ? Evidemment, ce n’est plus le chef de famille qui a tous les pouvoirs. C’est le régime primaire (articles 216 à 226 du Code civil) qui pose les règles de prise de décisions importantes (droit de disposer de ses gains et salaires ; droit de conclure des contrats pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants ; solidarité des époux pour les dettes du ménage) et protège un élément essentiel, le domicile conjugal (obligation de décider à deux).
En se mariant, les époux engagent aussi leurs patrimoines. Et dès lors qu’il est question d’argent, certains sont très prévoyants, d’autres moins.
- Ceux qui ne se posent pas trop de questions, ou veulent que le fruit de leur vie commune reste commun, n’iront pas chez le notaire avant de se marier et seront automatiquement soumis au régime légal de la communauté réduite aux acquêts, c’est-à-dire que seuls les biens achetés pendant le mariage sont communs, ceux existant avant le mariage ou reçus en donation pendant le mariage restent la propriété de l’époux propriétaire ou bénéficiaire de la donation.
- Les plus prévoyants concluront un contrat de mariage devant Notaire qui définira comment vont fonctionner leurs patrimoines respectifs pendant le mariage. Seront-ils séparés (séparation des biens) ? Intégralement fusionnés (communauté universelle) ? Hybrides entre communs et séparés (participation aux acquêts) ? Pour un coût minime, le Notaire conseillera la formule la plus adaptée à la situation de chacun.
Enfin, comme tous les contrats, le mariage n’est pas éternel. Il se termine par le décès d’un des époux, ou par le divorce, qui est une procédure définie très en détail par la Loi afin d’assurer jusqu’au bout une protection à chaque époux.
Sans mariage, le couple n’est certes soumis à aucune de ses règles et obligations. En contrepartie, il ne bénéficie d’aucune protection ! Les relations entre les concubins seront basées sur la seule confiance ou, au contraire, sur une méfiance permanente imposant de garder des preuves de toutes les dépenses, décisions importantes, etc. … Clairement, et même si tout n’est pas parfait, le mariage est un filet de sécurité, trop souvent ignoré par ceux qui choisissent l’union libre, sans PACS.
2 – Les avantages pendant la vie commune
a. Les enfants
- La filiation
Se marier, c’est fonder un couple, puis une famille. Contrairement aux couples non mariés où le père doit faire une déclaration en Mairie pour acquérir cette qualité officiellement, l’article 312 du Code civil prévoit que l’enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari. Dans le cas des couples non mariés, si le père refuse de faire cette déclaration, et qu’il y a séparation sans que le père n’assume ses obligations naturelles, la mère devra engager une procédure aux fins de subsides pour avoir une pension alimentaire ou une action pour établir le lien de filiation paternelle. C’est beaucoup de soucis alors que la séparation se passe déjà mal.
- Le nom de famille
L’enfant d’un couple marié a nécessairement sa filiation établie dès sa naissance à l’égard de ses deux parents. Aussi, le choix de son nom de famille sera facilité : ce sera soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l’ordre choisi par eux dans la limite d’un nom de famille pour chacun d’eux. Et si les parents ne choisissent rien, l’enfant prendra le nom de son père. Du fait du décalage possible dans l’établissement de la filiation dans les couples non-mariés, lorsque la filiation n’est établie qu’à l’égard d’un parent, l’enfant prend le nom de ce parent (article 311-23 du Code civil). L’ajout du nom de l’autre parent imposera une déclaration conjointe, et l’accord de l’enfant s’il a plus de 13 ans.
b. La santé
Partager la vie de quelqu’un, c’est aussi partager ses accidents de santé, parfois graves, allant jusqu’à l’impossibilité de s’exprimer. Si le couple n’est pas marié, et qu’il n’a pas été prévu de mandat de protection future, il faudra engager une procédure de mise sous tutelle, qui implique aussi la famille du malade et réveille parfois de vieilles rancunes. Dans le cas d’un couple marié, l’article 219 du Code civil permet aussi à l’époux du patient hors d’état de manifester sa volonté, à se faire habiliter par justice à le représenter, d’une manière générale, ou pour certains actes particuliers. Mais, même sans décision de justice, l’époux pourra agir comme s’il se substituait à son époux empêché.
c. Les impôts
C’est l’avantage le plus connu. Le couple marié (ou PACSÉ) est imposé sur la base du revenu imposable commun, et non plus individuellement. Le couple ne fera qu’une seule déclaration de revenus et bénéficiera de 2 parts fiscales pour le calcul de l’impôt. Les concubins non PACSÉS restent soumis individuellement et paient généralement plus d’impôts…
d. Le patrimoine
Quand tout se passe bien, le couple investit dans le domicile de la famille, fait des économies, investit dans la rénovation d’un bien qu’un des conjoints a reçu en héritage. S’ils ne sont pas mariés, ni PACSÉS, la seule règle qui prévaut est que leurs patrimoines restent totalement indépendants. Il faut donc bien déterminer ce qui appartient à qui dans les actes, les factures, les conventions sous seing privé… Car seul le propriétaire a le pouvoir de décider : vendre ? Rénover ? Louer ? ça peut ne pas être sans conséquence dès qu’il s’agit des économies de toute une vie ou bien du devenir du domicile conjugal.
S’ils sont mariés, le régime matrimonial qu’ils auront choisi donnera la règle à appliquer et déterminera qui est propriétaire, qui peut décider, et s’il y aura des compensations entre les patrimoines. Le mariage permet d’anticiper et prévoir le devenir du patrimoine et de faire des choix à long terme.
3 – Les avantages en cas de séparation
Si les diamants sont éternels, les couples ne le sont pas toujours.
Là encore, le mariage offre un cadre protégeant l’époux le plus vulnérable.
a. La survie du devoir de secours
Un conjoint s’en va du jour au lendemain et veut « refaire sa vie ». Mais il laisse nécessairement derrière lui des charges et des dettes que l’autre ne peut pas assumer seul(e) : loyer ou emprunt immobilier à rembourser, frais de scolarité des enfants, charges courantes…
S’ils sont mariés, l’époux délaissé pourra déjà engager une procédure pour obtenir la condamnation de l’autre à lui verser une contribution mensuelle à toutes les charges du ménage, le temps de la séparation.
Et si l’un d’eux décide d’engager une procédure de divorce, le juge veillera que l’époux défavorisé reçoive une pension lui permettant de maintenir son niveau de vie antérieur (pension de devoir de secours) pendant tout le temps que durera la procédure.
b. La procédure de divorce
Même si un divorce est souvent vécu comme un échec, voir une guerre parfois en cas de divorce pour faute, la procédure est le dernier rempart de protection des personnes vulnérables. D’abord, il évite que certains répudient leur conjoint sur un coup de tête, ou pour des motifs futiles ou illicites. Ensuite, le process permet de rééquilibrer les disparités dans les ressources, patrimoines et conditions de vie des époux après le divorce. C’est le mécanisme de la prestation compensatoire qui permet aux femmes/ époux au foyer qui n’ont pas travaillé pendant des années, n’ont pas de patrimoine propre et auront des droits à la retraite diminués, de solliciter une indemnité compensatoire.
Dans les couples non mariés, ce mécanisme n’existe pas et, pourtant, un des partenaires aura pu passer une dizaine d’années sans travailler, à suivre l’autre dans ses mutations professionnelles et en s’occupant chaque jour des enfants. Ces sacrifices ne seront compensés en cas de séparation.
c. Le partage du patrimoine
Dès lors que le régime matrimonial choisi permet d’anticiper l’articulation entre les patrimoines de chacun des époux, lors du divorce, il est en théorie facile de démêler les patrimoines et de savoir que à quoi chaque époux à droit.
Pour les concubins, c’est souvent l’occasion de tentatives de procès pour obtenir des remboursements des sommes investies dans le bien personnel de l’autre concubin qui, pourtant, ne gagnait pas suffisamment pour faire un tel investissement. Ces procès sont longs et rarement couronnés de succès.
4 – Les avantages en cas de décès
a. La participation à la succession
Le concubin n’a pas la même vocation successorale que le conjoint puisque ce dernier est un héritier légal de manière directe, sans qu’il ait à être désigné. A ce titre, il bénéficie de l’abattement de 80 724 € (1) pour les donations ; et si le partenaire PACSÉ en profite aussi, dans son cas l’abattement peut être remis en cause si le PACS est rompu au cours de l’année de conclusion ou de l’année suivante pour un motif autre que le décès d’un des partenaires pacsés ou leur mariage.
Le concubin PACSÉ, ne participe à la succession que s’il a été désigné par l’autre comme légataire par voie testamentaire.
Le concubin non PACSÉ sera considéré comme un étranger en matière de leg ou de donation, ce qui donnera lieu à perception de droits de donations très importants.
De plus, si le défunt laisse des enfants (communs ou non) qui sont des héritiers réservataires (assurés de recevoir une quote-part minimale de la succession), le partenaire pacsé ne pourra prétendre qu’à la quotité disponible (moitié de la succession si 1 enfant, 1/3 si 2 enfants, ¼ si 3 enfants ou plus) si elle lui a été léguée par testament, alors que le conjoint pourra prétendre, si les réservataires sont issus de leur union, au moins au quart des biens de la succession en pleine propriété ou à l’usufruit du tout. Et les époux pourront même étendre cette part par une donation au dernier vivant.
Le seul droit garanti au concubin dans la succession est la reprise du bail du domicile familial s’il s’agit d’un loyer.
(1) Montant et pourcentage à jour en juin 2023.
b. Le droit à la pension de réversion
Au décès de son époux(se) ou ex-époux(se), le conjoint (ou ex-conjoint) survivant peut percevoir une pension de réversion de la part de l’organisme de sécurité sociale, à hauteur de 54 % de la retraite (1) que l’époux(se) décédé(e) percevait ou aurait pu percevoir.
Ce droit ne profite pas du tout aux concubins, PACSÉS ou non.
En conclusion, si certains hésitent à sauter le pas, qu’ils soient convaincus que les Lois actuelles favorisent toujours les couples mariés. Mais s’ils voulaient être encore plus éclairés sur leurs droits et anticiper les accidents de la vie, une consultation avec un Avocat en droit de la famille avant de passer devant monsieur le Maire devrait finir de les rassurer.