Lorsqu’il s’agit d’envisager un divorce, nos clients nous interrogent d’abord sur le coût de la procédure (honoraires, frais de notaire, droit de partage sur les biens, prestation compensatoire, impact fiscal…). Puis vient la question du temps que cela prendra et, inévitablement, pourquoi ce sera aussi long ? C’est légitime de vouloir que cette épreuve s’achève le plus vite possible. Et même à l’amiable il reste difficile de réduire cette durée. Le divorce minute n’existe pas, et c’est tant mieux ! 

DIVORCE AMIABLE 

La théorie : on est d’accord sur tout, quand est-ce qu’on signe ?

Beaucoup de nos clients qui décident de divorcer à l’amiable, c’est-à-dire par consentement mutuel en signant une convention de divorce en présence de leurs avocats, sont convaincus que, comme ils sont d’accord sur tout, leur divorce sera une formalité qui pourra être réglée dans la semaine.  

Il est vrai qu’il existe des situations familiales très simples (couple sans enfant, époux ayant le même niveau de revenus, mariage de courte durée, pas de bien immobilier) et où les époux sont bienveillants entre eux, qui n’imposent pas de longs pourparlers pour finaliser la convention. Pour autant, il n’est pas permis de signer cette convention dès la première rencontre. 

La loi impose à chaque avocat d’adresser à son client le projet de convention de divorce par lettre recommandée avec AR. Chaque époux disposera alors d’un délai de réflexion de 15 jours. Il est interdit de renoncer à ce délai et au moment d’enregistrer la convention de divorce, le Notaire vérifie qu’il a été scrupuleusement respecté, ou rejettera la convention avec retour à la case départ. 

Aussi, tenant compte de ce délai irréductible, du temps qu’il faut à chaque époux pour rencontrer son avocat, du temps pour chaque avocat d’échanger avec son confrère, du temps de fixer le rendez-vous de signature qui ne peut se faire qu’en présence physique des deux époux et des deux avocats, divorcer en moins d’un mois reste très illusoire, et dangereux. Car, si certains offrent de formaliser un divorce en moins d’un mois, ce sera nécessairement au prix de manquement à une ou plusieurs règles légales. Il vaut donc mieux se méfier de ces promesses. 

La pratique : connaître ses droits, les faire valoir, négocier, trouver un accord. 

Dans les situations les plus courantes, les époux pensent : on est d’accord sur tout. Mais TOUT, c’est quoi ? C’est en consultant chacun leur avocat qu’ils seront informés de leurs droits, et de leurs obligations. 

Par exemple, certains couples qui possèdent un bien immobilier conviennent de l’attribuer en propriété à l’un d’eux, mais ne veulent pas s’embarrasser de formalités chez un Notaire. Or, dès qu’un bien immobilier est en jeu, un acte notarié de liquidation et partage est obligatoire. Sans lui pas de divorce.   

De même, souvent des épouses au foyer sont pressées de divorcer sans rien demander à leur mari. Elles ignorent tout de la prestation compensatoire, qui doit être fixée dans la convention de divorce et qu’il ne sera pas possible de la réclamer ultérieurement.  

Et pour les enfants, certains veulent s’engager moralement à verser ce qu’ils pourront à titre de pension alimentaire pour l’entretien et l’éducation des enfants. Mais, ils ignorent qu’une pension alimentaire ne s’impose à celui qui doit la payer, que si elle a été fixée dans la convention. Un engagement moral ne protège pas celui qui doit recevoir la pension. 

Une fois que chaque époux aura une connaissance exhaustive de ses droits, la négociation va commencer par avocats interposés. C’est souvent à ce moment que le vernis amiable se craquelle. Le risque de basculer en contentieux est élevé. Il faut de la patience et de la détermination, de la part des époux mais surtout de leurs avocats, pour trouver un accord qui ne peut qu’être gagnant-gagnant, c’est-à-dire équilibré. Et pour y arriver, il faut d’abord du temps. On ne peut pas négocier sous la pression du chronomètre. 

Une fois l’accord trouvé, il faut aussi compter avec l’intervention du Notaire en charge de rédiger l’état liquidatif chaque fois qu’un bien immobilier est en jeu. 

Au final, la durée moyenne d’un divorce amiable sera de trois à six mois. Cela peut paraître long, mais c’est toujours mieux qu’un divorce judiciaire… 

DIVORCE JUDICIAIRE 

Le système judiciaire français : des moyens limités, des besoins gigantesques

Le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti s’est engagé à porter le budget de la Justice de 9,6 milliards en 2023 “à près de 11 milliards d’euros” en 2027, ce qui permettra de créer 10 000 emplois, mais pas 10 000 postes de juges ou greffiers. Non, seulement 200 postes de juges seront créés. Or, Selon l’enquête réalisée par le Syndicat de la magistrature (SM) sur la charge de travail dans la magistrature 2021-2022, 82,6 % des magistrats répondants estiment travailler plus de 10 heures par jour. Le SM en déduit que, sans améliorer les délais ni la qualité, il faudrait ajouter aux 9064 magistrats existants 2200 postes supplémentaires pour que chacun fasse un temps de travail normal. Quant à satisfaire réellement les besoins, selon les estimations des chefs de cours,  ce sont 4991 magistrats qui manquent. 

C’est dans ce contexte que magistrats et avocats ont dénoncé que dans certains tribunaux il fallait attendre un an avant d’avoir une première audience en divorce ! C’est presque un déni de justice. 

Avec un tel manque de moyens, on comprend déjà qu’il ne peut pas y avoir d’audiences dans des délais rapprochés, que les magistrats ne peuvent pas rendre de décision sous quinze jours et qu’au final, il faut en moyenne 21 mois pour divorcer au tribunal (tous types de divorces confondus). 

Les intérêts en jeu : argumenter, prouver, contredire, le duel.

Chaque type de divorce judiciaire a son propre calendrier. 

Dans le cas particulier du divorce pour altération du lien conjugal, les époux doivent justifier d’une séparation de plus d’un an avant que le jugement ne soit rendu. Il faut donc laisser s’écouler ce temps si c’est le motif de divorce choisi. La procédure peut être suspendue dans cette attente. 

Dans les divorces où les époux acceptent le principe du divorce, s’ils restent en désaccord sur les effets du divorce, il n’y aura pas de réduction de la durée de la procédure.   

Dans les divorces pour faute, ou quand il y a un débat sur la résidence des enfants ou la prestation compensatoire, il faut ajouter les délais dont les parties ont besoin pour répondre par écrit aux arguments adverses. Car, hormis lors de la 1ère audience où les parties rencontrent le juge, tous les arguments et les demandes doivent se faire par écrit par les avocats. Ces écrits (appelés « conclusions ») doivent être soutenus par des pièces (attestations, justificatifs de ressources et charges, actes notariés…). Il faut un certain temps pour les rédiger, et il faut aussi du temps pour étudier ceux de l’adversaire. Ce qui ressemble parfois à une partie de ping-pong lorsque l’affaire est renvoyée sans cesse reste une nécessité pour défendre les intérêts de chaque époux. En effet, c’est majoritairement en première instance que les choses se jouent en matière familiale. Il ne faut donc rien négliger dans ce duel.  Il faut néanmoins savoir s’arrêter et le juge a le pouvoir de mettre un terme à des échanges sans fin. 

Parfois, il y aura eu appel de la décision fixant les mesures provisoires. S’ajoutent ainsi les délais propres à la Cour d’appel. La procédure de divorce est suspendue pendant 6 à 9 mois. 

Dans certains cas, il faut modifier en cours d’instance et de façon urgente les mesures provisoires : arrêter une pension alimentaire, changer la résidence des enfants, … C’est le juge de la mise en état qui est saisi. La procédure se rallonge mécaniquement de 3 à 6 mois. 

Si certains époux usent de stratégie pour faire traîner le divorce parce qu’ils y ont intérêts (cas d’un conjoint ayant obtenu une pension alimentaire au titre du devoir de secours aussi longtemps que dure la procédure), dans la majorité des dossiers, c’est la combinaison du manque de moyens des tribunaux et de la nécessité d’argumenter en détail les demandes des parties qui portent le délai moyen d’un divorce judiciaire à 21 mois à l’échelon national (plutôt 15 mois à la Réunion). 

Avec plus de moyens, nos tribunaux pourraient prononcer des jugements de divorce sous un délai raisonnable de 9 mois. Mais, ce ne sera pas le cas avant longtemps. Aussi, l’époux qui veut divorcer doit accepter que le temps est un facteur à prendre en compte dans le choix du mode de divorce (amiable ou judiciaire), comme dans l’appréciation de la situation de la famille au terme de la procédure (enfants qui deviendront majeurs ou s’engageront en études, départ à la retraite d’un époux, durée d’une défiscalisation…). Votre Avocat en Droit de la Famille vous aidera dans ce choix pour que l’épreuve dure le moins possible. N’hésitez pas à contacter notre cabinet pour toute question.

Maître Vincent HOARAU