C’est l’histoire d’un particulier qui fait construire un mur de soutènement et de réfection de terrasse sur sa propriété.

L’entreprise adresse sa facture de solde des travaux au maître de l’ouvrage le 19 décembre 2011, une fois les travaux achevés.

Comme souvent en la matière, le propriétaire constate des malfaçons et plutôt que de payer l’entreprise, organise une expertise amiable.

Le rapport d’expertise est établi un an plus tard, en décembre 2012.

Le temps passe, rien ne bouge. L’entreprise décide d’assigner le propriétaire en paiement de sa facture en septembre 2014.

La défense du propriétaire s’organise alors autour de la prescription.

En effet, en application des articles 2224 du code civil et L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation, l’action en paiement de travaux et services engagée à l’encontre de consommateurs par un professionnel se prescrit à compter de la date de la connaissance des faits permettant à ce dernier d’exercer son action au bout de deux ans.

En d’autres termes, si on est un professionnel, on ne peut plus réclamer à un consommateur le paiement d’une facture passé le délai de 2 ans.

Problème : à partir de quand court ce délai ?

L’avocat de l’entreprise estime pour sa part que le délai courrait à compter du jour où la facture était devenue exigible c’est-à-dire à l’issue de l’expertise amiable.

La cour de cassation pour sa part réitère le principe selon lequel : « au regard des dispositions de l’article 2224 du code civil dont l’application a été admise pour déterminer le point de départ du délai de l’article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation, et afin d’harmoniser le point de départ des délais de prescription des actions en paiement de travaux et services, il y a donc lieu de prendre en compte la date de la connaissance des faits qui permet au professionnel d’exercer son action, laquelle est caractérisée, hormis les cas où le contrat ou la loi en disposent autrement, par l’achèvement des travaux ou l’exécution des prestations, cette circonstance rendant sa créance exigible »

La Cour relève donc que les travaux commandés avaient été réalisés en 2011 et que l’assignation introduite en 2014, plus de deux ans après leur achèvement était prescrite.

Le propriétaire n’a donc pas été condamné à payer l’entreprise de construction.

Cet arrêt vient préciser la jurisprudence sur ce sujet.

En effet, s’agissant de travaux, la première chambre civile a d’abord retenu que le point de départ du délai se situait au jour de l’établissement de la facture (Civ. 1re, 3 juin 2015, n° 14-10.908). Elle a ensuite légèrement corrigé le tir en indiquant que cette date « peut être caractérisée par l’achèvement des travaux ou l’exécution des prestations » (Civ. 1re, 19 mai 2021, n° 20-12.520)

Cet arrêt important a été salué par la doctrine, qui relève notamment qu’il est naturel de ne pas retenir la date à laquelle l’entrepreneur va choisir unilatéralement d’éditer sa facture.

L’arrêt du 1er mars 2023 vient donc enfoncer le clou et il est maintenant clair que c’est la date d’achèvement des travaux qui fait courir le délai de prescription de deux ans. Les propriétaires consommateurs ont donc tout intérêt à garder une trace écrite de cet achèvement des travaux qui fait courir le délai de prescription.

Il convient toutefois de ne pas généraliser cette solution.

En effet la cour de cassation tempère sa décision en excluant « les cas où le contrat ou la loi en disposent autrement ». On pense alors aux contrats de construction de maison individuelle, dont les paiements se font de manière échelonnée au gré des avancements du chantier.

La Cour de cassation a récemment précisé que le solde du prix n’est dû au constructeur, qu’à la levée des réserves. (Civ. 3e, 13 févr. 2020, n° 18-26.194)

La jurisprudence du 1er mars 2023 ne remet pas en question ce cas particulier.