C’est l’histoire d’Hélène qui n’en peut plus de son emploi de vendeuse dans une grande enseigne de magasin de vêtements ; les horaires à rallonge sans être payée en plus, le responsable de magasin qui la rabaisse sans cesse devant les clients, et le salaire de misère.

Elle veut partir.

Mais la DRH lui a dit qu’il n’y aurait pas de rupture conventionnelle. Elle ne veut, ou plutôt ne peut pas, démissionner : elle ne veut pas perdre ses droits aux allocations chômage, sinon comment fera-t-elle pour payer son loyer, son crédit auto … ?. Sa cousine lui a dit qu’elle n’a qu’à quitter son poste, c’est-à-dire, ne plus revenir travailler, son patron sera alors obligé de la licencier, et elle aura droit au chômage.

Attention Hélène, ce n’est pas aussi simple !

Jusqu’au 18 avril 2023, la cousine d’Hélène aurait eu raison. Depuis le 19 avril 2023, si elle part sans rien dire, elle pourra être présumée avoir démissionné, et perdra donc tous ses droits aux allocations chômage.

En effet, la Loi a changé (1)

Dorénavant, le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans le délai fixé par l’employeur, est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai.

Voilà ce qui se passera si Hélène suit le conseil de sa cousine.

Son employeur lui adressera une mise en demeure de justifier de son absence et de reprendre son poste dans un délai d’au moins 15 jours. (Il est interdit à l’employeur de fixer un délai plus court).

Hélène aura alors le choix :

1. Soit de fournir un motif légitime d’absence dans ce délai, comme :

    • Un arrêt maladie: si elle est physiquement et psychiquement épuisée, son médecin pourra lui prescrire un arrêt maladie, mais elle devra reprendre son poste sauf inaptitude. Elle percevra les indemnités journalières pendant son absence.
    • L’exercice de son droit de retrait : si elle fait face à un danger grave et imminent de mort ou blessures graves, elle peut refuser de travailler (il est peu probable qu’elle soit exposée à de tels risques dans un magasin de vêtement).
    • L’exercice d’un droit de grève: toute seule, Hélène ne peut pas faire grève, il faut être plusieurs et avoir des revendications. Elle ne serait par ailleurs pas payée pendant la grève.
    • Le refus d’exécuter une instruction illégale: il est peu probable que son responsable de magasin lui impose de commettre des infractions dont elle refuserait de se rendre complice. Elle pourrait prétendre à un salaire pendant la période d’absence.
    • Une modification importante de son contrat de travail: s’il était question d’un changement de fonction, de salaire, voir un éloignement important de son lieu de travail, Hélène pourrait justifier de son absence et forcer son employeur à respecter son contrat, mais ce n’est pas le cas ici.

2. Soit reprendre son poste avant la fin du délai minimum de 15 jours à compter de la présentation du courrier en LRAR (date du dépôt de l’avis de passage en boîte aux lettres). Elle ne serait pas payée pour la période d’absence et courra le risque de subir une sanction disciplinaire (mise à pied sans salaire). Il est peu probable que son employeur veuille la licencier puisqu’elle aura repris son poste. Mais rien ne l’empêcherait de la mettre à pied pendant son absence et d’engager un licenciement pour faute, ce qui conviendrait parfaitement à Hélène, qui serait ainsi libérée de son emploi et garderait le droit aux indemnités chômage.

3. Soit ne pas reprendre son poste avant la fin du délai et laisser son employeur la déclarer démissionnaire : elle recevra son certificat de travail et son attestation POLE EMPLOI portant la mention « démission ». Elle percevra une indemnité pour les congés payés qu’elle n’aurait pas encore pris. Mais elle ne pourra pas demander au POLE EMPLOI de lui verser les allocations chômage.

Ils existent d’autres alternatives

Hélène devrait savoir qu’il existe d’autres façons de quitter son emploi sans risquer de perdre toute dignité et cette protection minimale que constituent les allocations chômage, lorsque la rupture conventionnelle n’est pas envisageable.

Ces solutions impliquent d’engager une procédure. Il est alors indispensable d’avoir un juste motif et être prêt à mener un combat de plusieurs mois.

D’abord, Hélène pourrait demander au conseil de prud’hommes de rompre le contrat aux torts de son employeur. Comme dans un divorce pour faute, Hélène va devoir prouver que son responsable de magasin l’obligeait à travailler sans lui payer ses heures supplémentaires, voir à un salaire en dessous du minimum conventionnel, ou qu’il l’humiliait devant les clients et ses collègues. Si elle peut prouver ces faits, le jugement la libèrera de son emploi et lui allouera des indemnités. Conséquence importante : elle aura alors droit aux allocations chômage, mais aura dû attendre de longs mois de procédure sans revenus.
Ensuite, Hélène pourrait faire un courrier par lequel elle prend acte de la rupture du contrat du fait des manquements de son employeur. Certes, dans un premier temps cela revient à démissionner. Mais comme elle aura motivé sa démission par toutes les fautes commises par son employeur, elle pourra saisir les prud’hommes et demander que cette rupture ne soit pas qualifiée de démission, mais de licenciement. Comme dans le cas précédent, outre les indemnités, elle aurait droit aux allocations chômage, de façon rétroactive.
En fait, le meilleur conseil que la cousine d’Hélène pourrait lui donner est d’aller faire le point avec un avocat en droit du travail : déterminer ses droits en fonction de son ancienneté et des éléments de preuve en sa possession, définir le calendrier et la date prévisible de fin du contentieux, …
On le voit, si cette nouvelle Loi vient favoriser les employeurs, les salariés contraints de quitter leur emploi devraient envisager toutes les options avant de prendre une décision irrémédiable. Le cabinet PRAGMA accompagne les salariés dans cette étape cruciale de prise de décision. Contactez-nous pour toute question.

(1) Décret du 17 avril 2023 (en vigueur au 19.04.2023) complétant la Loi du 21 décembre 2022 créant l’article L.1237-1-1 du code du travail, et insérant un article R. 1237-13 au même Code

Maître Vincent HOARAU