Rappels préliminaires sur les PGE

La crise COVID semble si loin désormais, tant du point de vue des restrictions des libertés individuelles, que du point de vue économique au regard des aides exceptionnelles mises en place pour sauver les entreprises françaises au terme du fameux « Quoi qu’il en coûte ».  

Parmi les aides octroyées aux entreprises françaises figure le prêt garanti par l’Etat ou « PGE ».  

Le prêt garanti par l’Etat est un prêt accordé par les établissements de crédit et les sociétés de financement aux professionnels depuis le 16 mars 2020 (applicable jusqu’au 31 décembre 2023 (1)) ; assorti d’une garantie de l’Etat couvrant le principal, les intérêts et les accessoires en cas de défaillance de l’entreprise dans le règlement des échéances mensuelles.  

Le PGE a été mis en place dans une loi de finance rectificative (n° 2020-289 du 23 mars 2020) (2), avec pour objectif de garantir le prêt des entreprises immatriculées en France dans la limite de 300 milliards d’encours total, à l’exception des entités suivantes : 

  • Les établissements de crédit et les sociétés de financement ;
  • Une grande partie des sociétés civiles immobilières ; (3)
  • Les entreprises en procédures collectives (sauvegarde, redressement, liquidation judiciaire) ou en rétablissement professionnel.
Le PGE doit répondre à un cahier des charges défini par arrêté du ministère de l’économie (4), dont les caractéristiques principales sont les suivantes : 
  • Le prêt doit être amortissable sur une durée minimale de 12 mois ;
  • Une clause doit permettre à l’entreprise, après la première année, d’amortir le prêt sur une période additionnelle s’étalant entre une à cinq années ;
  • Le prêt ne peut excéder en principe une durée de 6 ans à compter de la date du premier décaissement des fonds.
La garantie de l’Etat s’applique sur un pourcentage du montant du capital, des intérêts, accessoires, y compris les commissions de garantie, restant dus de la créance jusqu’à l’échéance du prêt. 

Ce pourcentage est de :

  • 90 % pour les entreprises, lors du dernier exercice clos précédant l’octroi du prêt, emploient moins de 5000 salariés et réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 1,5 milliard d’euros ;
  • 80 % pour les entreprises, lors du dernier exercice clos précédant la date de l’octroi d’un premier PGE, réalise un chiffre d’affaires inférieur à 5 milliards d’euros ;
  • 70 % pour les autres entreprises.
La garantie de l’Etat est acquise : 
  • Lorsque l’entreprise n’honore plus le règlement du prêt, y compris en cas d’exigibilité anticipé de la totalité du prêt lorsque le contrat le prévoit ;
  • Lorsque l’entreprise bénéfice d’un accord dans le cadre d’une procédure encadrée par la Médiation du crédit ;
  • Lorsque l’entreprise bénéfice d’un délai de grâce (délai de paiement) accordé par une juridiction ;
  • Lorsque l’entreprise bénéficie d’une conciliation homologuée ou constatée par une juridiction ;
  • Lorsque l’entreprise bénéfice d’une procédure collective en France ou à l’étranger (sauvegarde, redressement, liquidation judiciaire etc…).
Lorsqu’un des événements précités survient, le prêteur dispose d’un délai maximum de 6 mois après la date d’échéance finale du crédit pour solliciter la garantie de l’Etat à titre définitif. 

Le prêteur peut également solliciter une indemnisation provisionnelle dans les 90 jours de l’un des événements précités auprès de BPI FRANCE en attendant de pouvoir déterminer la perte définitive. 

En synthèse : 

Le PGE est un contrat de prêt d’une durée minimum d’un an, et de maximum 6 ans en principe, assorti d’une garantie de l’Etat en cas de défaillance de l’entreprise pouvant aller jusqu’à 90 % du montant du crédit.

 

(1) Le dispositif a été prorogé plusieurs fois dont récemment par la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022.
(2) Article 6 de la loi de finances rectificative n° 2020-289 du 23 mars 2020.
(3) Les SCCV, les SCI de monuments historiques, et celles détenues par les OPCI peuvent prétendre au PGE.
(4) Arrêté du 23 mars 2020 prise en application de l’article 6 de la loi de finances précitée. 

 

La restructuration des PGE dans le cadre du mandat
ad hoc et de la conciliation (5) 

Qu’il n’y ait plus aucune méprise autour de ce dispositif, le PGE demeure avant tout un prêt, qui doit être honoré par l’entreprise, indépendamment de la garantie de l’Etat. 

A ce titre, il faut traiter le PGE comme une véritable charge pour l’entreprise, et ainsi anticiper les difficultés qui pourraient survenir.  

La loi prévoit deux dispositifs afin de pouvoir restructurer les dettes d’entreprises, dont les PGE (6) : 

  • Le mandat ad hoc ;
  • La conciliation.

Le Mandat ad hoc 

 Le mandat ad hoc est prévu à l’article L. 611-3 du Code de commerce en ces termes : 

 « Le président du tribunal peut, à la demande d’un débiteur, désigner un mandataire ad hoc dont il détermine la mission. Le débiteur peut proposer le nom d’un mandataire ad hoc. La décision nommant le mandataire ad hoc est communiquée pour information aux commissaires aux comptes lorsqu’il en a été désigné.  

Le tribunal compétent est le tribunal de commerce si le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale et le tribunal judiciaire dans les autres cas.  

Le débiteur n’est pas tenu d’informer le comité social et économique de la désignation d’un mandataire ad hoc. »  

Le lecteur pourra constater que cette disposition n’est pas très détaillée, et c’est là tout l’avantage :  

Pouvoir disposer de l’accompagnement d’un professionnel désigné par le Tribunal (7) 

Les mérites de cette procédure sont multiples : 

  • Etre accompagné par un professionnel du droit et du chiffre désigné par le Tribunal ; 
  • Bénéficier d’une procédure confidentielle (8) ; 
  • Pouvoir spécifier la mission du mandataire ad hoc en toute liberté ; 
  • Profiter d’un dispositif légal sans aucune condition de durée.
Dans ces conditions, le mandat ad hoc est donc un parfait dispositif pour restructurer son PGE en toute confidentialité. L’avocat a d’ailleurs toute sa place dans la mise en œuvre de ce dispositif puisqu’il peut accompagner l’entreprise sur sa demande de mandat ad hoc, et il est à même de conseiller l’entreprise sur le choix du mandataire ad hoc. 

(5) Nous n’évoquerons pas le règlement amiable agricole dans la cadre de cette étude.
(6) Nous n’évoquerons pas la restructuration du PGE via la Médiation du Crédit. 
(7) En général le mandataire ad hoc est choisi parmi les mandataires ou administrateurs judiciaires. 
(8) La confidentialité s’applique même aux représentations du personnel de l’entreprise. 

 

La Conciliation

Même si le mandat ad hoc offre d’ores et déjà beaucoup de latitude pour négocier la restructuration du PGE, ce dispositif demeure souvent insuffisant pour parvenir à un accord avec l’établissement de crédit.  

Dans la pratique, il est fréquent que l’entreprise, sur conseil de son avocat et du mandataire ad hoc, doive basculer dans une procédure de conciliation pour des raisons diversifiées, notamment : 

  • Rendre exécutoire un accord (homologation de l’accord par un juge) ;
  • Lorsque l’entreprise se retrouve en état de cessation des paiements.
La procédure de conciliation est prévue aux articles L. 611-4 et suivants du Code de commerce, et est particulièrement encadrée contrairement au mandat ad hoc. 

Les conditions principales pour bénéficier de cette procédure sont les suivantes : 

  • Justifier d’une difficulté juridique, économique ou financière avérée ou prévisible ;
  • Ne pas être en état de cessation des paiements depuis plus de 45 jours ;
  • Ne pas avoir bénéficié d’une procédure de conciliation dans les trois mois précédent la demande.
Comme pour le mandat ad hoc, la conciliation est en principe menée par un conciliateur (en principe soit un mandataire judiciaire, soit un administrateur judiciaire), et demeure en principe confidentielle. 

En revanche, la conciliation se distingue du mandat ad hoc sur différents points : 

  • La conciliation est fixée dans un délai de 4 mois, prorogeable d’un mois supplémentaire sur décision motivée du Tribunal ;
  • Le but de la conciliation est de favoriser la conclusion d’un accord destiné à mettre fin aux difficultés. La mission du conciliateur est donc strictement encadrée contrairement au mandat ad hoc.
La conciliation est ainsi nécessaire pour acter un accord entre les parties auprès du Tribunal (cela peut être des abandons de créance, des rééchelonnements de dette, des moratoires etc…). 

La conciliation est également une arme psychologique pour négocier plus aisément auprès des créanciers puisque les difficultés juridiques, économiques ou financières sont désormais actées officiellement, ce qui fait craindre une procédure collective, et donc un risque que la créance soit perdue en tout ou partie (9). 

(9) Ne pas oublier que la garantie de l’Etat ne couvre au maximum que 90 % du crédit.

 

La restructuration du PGE dans le cadre des procédures collectives

Malgré l’intérêt majeur des procédures de mandat ad hoc et de conciliation, bien souvent il ne sera pas possible d’orienter l’entreprise vers ce type de mesure au regard de la dégradation avancée de la situation financière de l’entreprise.  

Dans cette situation, l’entreprise n’aura d’autres solutions que de se tourner vers la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire.  

Si l’entreprise n’est pas en état de cessation des paiements, mais qu’elle éprouve des difficultés insurmontables qui pourraient l’amener à faire défaut, alors elle pourra solliciter l’ouverture d’une procédure de sauvegarde (10)  

En revanche, si l’entreprise est en état de cessation des paiements chronique (11) alors il faudra obligatoirement le déclarer auprès du Greffe compétent du lieu du siège social (12) afin qu’une procédure de redressement judiciaire soit ouverte (13). 

 L’intérêt de la sauvegarde ou du redressement judiciaire sont multiples quand aux PGE : 

  • Interruption du paiement des échéances ;
  • Interdiction des procédures de recouvrement ;
  • Possibilité d’étaler le règlement du PGE sur une durée de 10 ans (14).
Compte-tenu de la complexité de la procédure, mêlant divers intérêts (l’intérêt des créanciers, l’intérêt de l’entreprise, l’intérêt des salariés), l’avocat a un rôle privilégié afin d’accompagner l’entreprise dans ses difficultés, et rédiger le cas échéant un projet de plan visant à apurer le passif, notamment restructurer les PGE qui ont pu être consentis.
(10) Article L. 620-1 du Code de commerce.
(11) Etat de cessation des paiements : impossibilité de payer le passif exigible avec l’actif disponible.
(12) Activités artisanales et commerciales : Tribunal de Commerce, les autres entreprises devant le Tribunal judiciaire.
(13) L’entreprise dispose d’un délai de 45 jours pour déclarer son état de cessation des paiements.
(14) Les agriculteurs peuvent rembourser sur 15 ans.

 

Le Cabinet PRAGMA demeure à votre entière disposition pour vous conseiller sur  la procédure adéquate à mettre en œuvre afin de restructurer votre PGE, que ce soit dans un cadre amiable, ou dans le cadre d’une procédure collective.
Maître Jordan MALET