Divorcer amiablement est le meilleur moyen de tourner la page sur un chapitre de sa vie. Mais parfois, pour des raisons personnelles, l’histoire n’est pas terminée tant que les torts de son conjoint n’auront pas été reconnus par le juge. Il faut alors s’engager dans un divorce dit « pour faute » et pouvoir prouver les fautes graves ou renouvelées de l’époux fautif. Le Juge n’a pas de pouvoir d’enquête, pas plus que l’avocat. C’est à celui qui dit avoir été victime de rapporter la preuve de ce qu’il a subi. 

Comment le faire et quels sont les moyens de preuve recevables ? Nous faisons le point sur une étape cruciale d’une procédure de divorce lourde en émotions.

La Loi laisse une grande liberté dans la preuve des faits fautifs : par tout mode de preuve, y compris l’aveu (article 259 du Code Civil). Elle pose néanmoins trois restrictions : 

  • Les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux (art. 259). 
  • Un époux ne peut verser aux débats un élément de preuve qu’il aurait obtenu par violence ou fraude (art. 259-1). 
  • Les constats dressés à la demande d’un époux sont écartés des débats s’il y a eu violation de domicile ou atteinte illicite à l’intimité de la vie privée (art. 259-2). 

En pratique, on dénombre huit moyens de preuve : 

L’aveu

Un époux fautif peut vouloir se repentir et reconnaître ses torts devant le juge. S’il le fait librement avec l’assistance de son avocat, l’époux victime sera bien aidé dans sa démarche. S’il le fait dans un courrier, un courriel, un message adressé à son époux et qu’il est suffisamment explicite sur la faute grave ou renouvelée commise, l’aveu pourra également lui être opposé.  

Les témoignages

Ils sont le moyen de preuve le plus fréquemment utilisé.

  • Qui peut témoigner ?
    • A l’évidence, les proches (famille, amis, voisins) sont les mieux placés pour témoigner de la vie du couple.
    • Mais le témoignage des enfants n’est pas recevable contre leurs parents.
  • Comment témoigner ?
  • De quoi témoigner ?
    • Les témoins doivent rapporter les faits auxquels ils ont assisté directement. Rapporter ce que l’époux victime a raconté n’est pas suffisant. Le témoignage doit donc être très factuel : quoi ? où ? quand ?
    • Attention, un faux témoignage est un délit puni d’une peine d’emprisonnement.

Le constat d’huissier

Il était très utilisé lorsque l’adultère était en délit (jusqu’en 1965). Le constat d’adultère reste possible théoriquement. Mais pour que l’huissier puisse débarquer chez l’amant ou la maîtresse de l’époux et constater qu’ils ont passé la nuit ensemble, il faut obtenir une autorisation d’un juge en raison de l’atteinte importante à la vie privée que cela implique. Autant dire que type de constat n’est plus pratiqué. Il est par contre encore possible de faire constater l’abandon du domicile conjugal : l’huissier dresse un constat que les affaires personnelles de l’époux ne sont plus au domicile. Le coût d’un constat est en moyenne de 400 euros.  

L’enquêteur privé

Si l’huissier ne sera pas autorisé à entrer dans la vie privée de l’époux volage, il reste possible d’engager un enquêteur privé, dûment enregistré auprès de la préfecture pour établir un rapport qui ne pourra que constater les faits qui se produisent sur la voie publique. Il pourra témoigner des déplacements de l’époux en voiture, du temps qu’il passe à une certaine adresse (la nuit), des rencontres qu’il fait dans un lieu public, … Il ne pourra pas filmer, poser des caméras ou micro pour enregistrer l’adultère. Le coût d’une enquête privée dépend des diligences accomplies mais reste une démarche onéreuse pour un résultat aléatoire.

Les documents

Les papiers du ménage sont parfois une mine d’informations utiles dans le divorce pour faute. Mais ils ne doivent pas avoir été obtenus par violence ou fraude : 

  • Les relevés de compte, les facturettes de CB : dès lors qu’ils se rapportent aux comptes communs des époux, chaque époux est libre de les utiliser comme moyen de preuve de la prodigalité de son conjoint, de son addiction au jeu, de cadeaux faits à une tierce personne, d’une dépense d’hôtel dont la famille n’a pas profité… 
  • Les factures détaillées de téléphone : s’agissant de la ligne fixe de la maison, la facture détaillée permet de prouver des conversations récurrentes avec un numéro particulier quand l’époux trompé est absent du domicile. S’agissant des lignes mobiles de chaque époux, les factures détaillées relèvent de sa vie privée.  

Les courriers ou messageries

Les courriers ou messageries sont également un moyen très utile tant que l’on n’a pas recours à des subterfuges (logiciels espions, forçage de mot de passe…) : 

  • Les courriers et messages reçus par l’autre époux : qu’ils soient en papier ou numériques (emails, whatsapp, viber…), les correspondances d’un époux sont strictement privées et ne peuvent être appréhendées sans son accord pour être utilisées contre lui. Il est donc inutile de photocopier les courriers enflammés ouverts par erreur, ou de faire des photos d’écran de son smartphone d’une conversation WHATSAPP. Mais si les messages sont reçus sur un appareil familial dont le mot de passe est connu de tous, et si l’application de messagerie est consultable sans mot de passe ou si celui-ci est déjà mémorisé dans l’appareil, les messages peuvent être utilisés pour prouver une faute 1. De même, il est possible d’utiliser des fichiers présents sur un disque dur laissé par un époux au domicile conjugal. 
  • Les courriers et messages envoyés par l’autre époux : tous les messages ou courriers insultants, menaçants, humiliants d’un époux à son conjoint peuvent lui être opposés. Même les messages vocaux peuvent être utilisés. Les faire constater par un huissier sera imparable (comptez environ 600 euros). Utiliser une application d’impression de message en PDF sera gratuit, recevable en justice et plus facile à utiliser par votre avocat que des dizaines de captures d’écran. 

Les réseaux sociaux

S’il est assez négligent (ou arrogant) pour le faire, tout ce qu’un époux rend public sur un réseau social ouvert peut être utilisé contre lui. Mais s’il le publie sur un réseau privé dont son conjoint n’est pas membre, là non plus, les photos volées de l’écran de son smartphone ouvert sur ledit réseau social ne seront pas recevables. Il faudra compter sur la loyauté des amis membres du groupe restreint pour faire un témoignage circonstancié des posts, voir fournir des copies desdits posts. 

Les enregistrements vidéo ou audio

C’est souvent le dernier recours pour prouver des faits de violence, mais les enregistrements faits sans l’accord de la personne enregistrés ne sont pas recevables devant le juge du divorce. Si le domicile est équipé de caméras de vidéoprotection non dissimulées et que l’adultère est commis au domicile, les vidéos pourront être exploitées dès lors que l’époux volage était informé de la présence des caméras filmant en permanence. Evidemment, toute image filmée par une caméra invisible (nanny cam) sera irrecevable. 

Les traceurs GPS 

Les mouchards et logiciels espions ne fourniront aucune preuve recevable, au contraire ! surveiller son conjoint en permanence constituerait un comportement injurieux, donc une faute … Mais, pour lutter contre le vol, certains propriétaires équipent leurs véhicules (vélos électriques, motos, voitures) de traceurs GPS. Il devient donc possible de tracer les déplacements d’un époux qui n’ignore pas que son véhicule est repérable à tout moment et d’en tirer ensuite des conclusions, et des preuves. Pour l’heure, les juges ne se sont pas encore prononcés sur un tel procédé et il convient d’être prudent sur l’utilisation de ces traceurs car la protection de la vie privée, même au sein d’un couple, reste encore un principe que les juges protègent vigoureusement. 
Pour ne pas commettre d’erreur et bien préparer sa procédure de divorce, il est important d’être conseillé sur ce qu’il est possible d’apporter comme élément de preuve et ne pas s’engager aveuglément dans un contentieux.
Maître Vincent HOARAU